Entretien avec Arnaud Thomassin, directeur général du chateau de France. Cet article met en lumière la très belle histoire familiale de cette séduisante propriété de l’AOC Pessac Leognan, les processus de viniculture, de vinification et d’élevage et les vendanges 2020. Les caractéristiques des trois vins (chateau de France, Coquillas et Le bec en Sabot) permettent de faire le tour complet de ce très beau domaine écoresponsable.
LE CHATEAU DE FRANCE EST AVANT TOUT UNE HISTOIRE FAMILIALE
En 1971, la famille Thomassin passe de la betterave au raisin…
Le chateau de France est une propriété familiale achetée par le père d’Arnaud, Bernard Thomassin en 1971. A cette époque, la famille Thomassin, originaire du Val d’Oise, près de Pontoise, décide de changer d’activité. Spécialisée dans l’alcool de betterave, elle décide de mettre le cap au sud-ouest pour tenter l’aventure vinicole. Bernard Thomassin aime tout simplement le vin et saisit l’opportunité de faire cette acquisition par le biais de rencontres. Alors il achète un domaine qui n’est pas en très bon état. Et il décide donc de rénover complètement le vignoble et les chais et de s’équiper en matériel récent. Il met alors tout en œuvre pour produire des vins de qualité.
Un incendie au chateau de France renforce les liens au sein de l’AOC
En 2011, un tragique évènement vient contrecarrer les plans de la famille Thomassin. Un incendie important détruit en effet totalement les outils de production. En peu de temps, le chateau de France perd ses outils, ses tracteurs et ses cuves. Mais pendant trois ans, le domaine peut compter sur la solidarité fantastique de ses voisins. Pour poursuivre son activité, le chateau de France peut effectivement compter sur le très bel esprit de corps de l’AOC Pessac Leognan.
En 2011, 2012 et 2013, on vinifie les raisins du domaine au château Fieuzal, les propriétaires ayant libéré un cuvier. Par ailleurs, en 2011 également, le chateau de France blanc peut compter sur les propriétaires du chateau Haut-Bailly. C’est en 2014 que le château de France reprend son activité classique. Puisque cette même année, la famille Thomassin reconstruit un cuvier très simple et non ostentatoire, à l’image du domaine.
En cinquante ans, le chateau de France double sa superficie vinicole
Cinquante ans après le rachat par la famille Thomassin, le chateau de France fait partie des plus anciennes propriétés de l’AOC Pessac-Léognan. Aujourd’hui c’est Arnaud Thomassin, qui a rejoint le domaine en 1994, et ses sœurs qui possèdent ce très beau domaine. Perpétuant l’œuvre de leur père, ils ont contribué à doubler la superficie du vignoble originel, qui comportait, dans les années 70, vingt hectares de vigne. Et même si la famille Thomassin doit encore renouveler 20% des vignes, le domaine dispose de tous les atouts pour faire des produits de grande qualité.
DES DÉNOMINATIONS EN PARTIE ISSUES DE LA GÉOGRAPHIE…
Le chateau de France s’appelle ainsi car le domaine se situe sur le lieu-dit France. Le nom du château Coquillas s’inspire du lieu-dit Coquillat, en contrebas de la propriété. Le nom de ce lieu-dit s’inspire lui-même des gisements de fossiles et des coquillages sont même présents dans les vignes. Le troisième vin, le Bec en Sabot, produit depuis 1992 à raison de 20 à 30 000 bouteilles par an, tire son nom de l’oiseau du Nil du même nom. La lithographie figurant sur l’étiquette ayant tout simplement plu à la famille Thomassin, celle-ci a adopté ce nom et ce design, qui tranche véritablement avec les codes plus classiques de l’appellation Pessac Leognan.
LES PROPRIÉTAIRES DU CHATEAU DE FRANCE SONT DES ÉCORESPONSABLES CONVAINCUS
L’écoresponsabilité fait partie de l’ADN du chateau de France
Depuis très longtemps, la famille Thomassin porte une attention toute particulière à l’environnement et aux produits utilisés pour la viticulture. Non seulement le château de France applique l’ensemble des réglementations en vigueur. Mais également la famille Thomassin est convaincue du bien-fondé des gestes écologiques et écoresponsables. Premièrement pour prendre soin du personnel qui travaille dans les vignes. Deuxièmement pour protéger bien évidemment le consommateur.
Renforcement de la biodiversité et utilisation maximale de produits naturels
Le chateau de France a donc mis en place de nombreuses choses pour honorer ces valeurs. Tout d’abord, le domaine accueille des ruches. Puis le domaine retraite tous les effluents viticoles et vinicoles. Par ailleurs, le domaine n’utilise plus de CMR (agents chimiques cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction) depuis plus de 15 ans. Enfin, le chateau de France est HVE3 (label Haute Valeur Environnementale).
Le chateau de France utilise entre 85 et 90% de produits utilisables en agriculture biologique et des produits de Bio contrôle. A ce titre, le domaine utilise le cuivre contre le mildiou et le soufre contre l’oïdium. Il ne reste donc que trois produits de synthèse ou chimiques utilisés sur la fleur, mais qui sont les moins nocifs possibles. Par ailleurs, Arnaud Thomassin plante beaucoup de haies et d’arbres, afin d’enrichir davantage la biodiversité du domaine.
La bioprotection permet de s’affranchir de l’ajout de soufre
Pour les rouges et les blancs, Arnaud Thomassin expérimente la bioprotection, visant à s’affranchir de l’ajout de soufre. Les vignerons ajoutent en effet régulièrement du souffre dans les cuves. Mais, à la place du soufre, le chateau de France utilise des levures particulières assurant la bioprotection. Ces levures colonisant le milieu le protègent sans fermenter et macèrent ainsi 2 à 3 jours. Puis on ajoute les saccharomyces cerevisiae pour assurer la fermentation. Ce jeu des levures permet de diminuer considérablement le taux de sulfites dans le vin, la partie résultante étant produite naturellement par le vin lui-même.
Les produits de Bio contrôle : une voie d’avenir pour le chateau de France
Cette année, le chateau de France produira une parcelle à base de produits utilisables en agriculture bio et de produits de Bio contrôle. Les produits de Bio contrôle sont intermédiaires entre les produits de synthèse et les produits utilisables en agriculture biologique. Apparus il y a environ cinq ans, ce sont des produits à base de stimulateurs des défenses naturelles de la vigne. Arnaud Thomassin envisage de traiter le reste des parcelles dans cette même veine dans les années qui viennent, même si cela représente des investissements humains et financiers importants.
Pour le moment, le chateau de France ne souhaite pas obtenir de label bio. Non seulement parce que cela réclame des investissements financiers supplémentaires. Mais aussi car cela nécessite une très forte réactivité : il faut être prêt à traiter les samedis et dimanches. Et il faut donc remettre en cause toute l’organisation du domaine…
DES VENDANGES 2020 PARTICULIÈRES AU CHATEAU DE FRANCE
Des dates de vendanges très précoces
Les vendanges 2020 furent très compliquées, comme dans toute l’AOC Pessac Leognan. En effet le printemps fut très pluvieux, avec des risques de gelée. Des parcelles ont souffert du mildiou, parce qu’on ne pouvait les traiter au regard de la météo défavorable. L’été fut parfait jusqu’au moment des vendanges. Mais la première semaine de septembre a été très chaude et sèche, occasionnant 25% de perte pour le chateau de France. Les vendanges se sont étalées du 26 août au 02 septembre pour les blancs. Pour ces derniers, elles représentent les vendanges les plus précoces depuis 2003. Pour les rouges, les vendanges ont commencé 14 septembre et se sont achevées le 02 octobre. Ce qui constitue les vendanges les plus précoces depuis 1989.
Le millésime 2020 sera pourtant de qualité pour le chateau de France
Cette année, la famille Thomassin a réalisé les vendanges à la main à 95%. Et elle a effectué 5% des vendanges mécaniquement par manque de personnel vendangeur. En 2020, on déplore un rendement assez faible de 30 hectolitres à l’hectare, comme en 2019. Mais cette année donnera certainement une bonne fraicheur et une belle acidité pour les blancs et les rouges. 2020 sera donc un millésime de qualité.
Par ailleurs, ce ne sont pas les dates des vendanges qui ont le plus d’impact sur le vin, mais les raisins eux-mêmes : le cumul des températures du au réchauffement climatique fait davantage mûrir la vigne, notamment pour le merlot. Heureusement le cabernet sauvignon tend à estomper ce murissement précoce, car il est plus tardif.
LE CHATEAU DE FRANCE RÉALISE UNE VINIFICATION TRÈS CLASSIQUE
Depuis les vendanges jusqu’à la mise en bouteille, les opérations réalisées par le chateau de France sont très classiques.
Au chateau de France, les vins rouges répondent aux canons traditionnels
Pour les vins rouges, le personnel égrappe et trie les raisins grâce aux tables de tri vibrantes et au cube. Appelé également égreneur vibrant, cet appareil sépare les rafles des baies avant un dernier tri. La vinification se fait dans des cuves thermorégulées de 130 hectolitres, ce qui représente 2 hectares par cuve. Puis on fait des remontages pour l’extraction et non des pigeages. Une fois la fermentation réalisée, on laisse cuver entre deux et trois semaines. Ce qui représente un mois de cuvaison entre la fermentation et la fin de la macération.
Puis la fermentation malolactique s’opère en cuve, et non en barriques car il y a trop de déviation organoleptique. Ensuite on entonne en barriques neuves les meilleurs lots. On entonne les lots plus légers en barriques anciennes. Le chateau de France subit un élevage de 12 mois avec 30% de barriques neuves. Pour le Coquillas, l’élevage est également de douze mois, mais en barriques anciennes.
Des barriques originales apportent une touche de modernité
Pour les vins blancs, on ramasse les raisins manuellement. On les presse ensuite et le jus est clarifié. On met le jus de raisin en barriques, dans lesquelles s’opèrent la fermeture alcoolique et l’élevage. Ce dernier dure 8 à 9 mois. Depuis quelque temps, le domaine du chateau de France réalise des essais portant sur les barriques : certaines barriques utilisées sont en chêne et acacia, prodiguant ainsi au vin davantage de fraicheur et d’acidité.
LE CHÂTEAU DE FRANCE COMPORTE UNE GAMME COMPLÈTE
Les vins blancs sont composés de 80% de sauvignon et de 20% de sémillon. Tandis que le rouge est composé de 55% de cabernet-sauvignon et de 45% merlot. Tout d’abord, le chateau de France utilise les vins les plus structurés. Ensuite, les vins plus légers servent à faire le Coquillas. Enfin, les vins encore plus légers produisent le Bec en Sabot.
Trois vins rouges aux qualités et capacités de garde différentes
Pour les vins rouges, le premier vin est un vin de garde, qui exprime son potentiel à partir de 5 à 6 ans et ce, jusqu’à une dizaine d’années. Très arrondi et offrant des tannins fondus, il peut être bu jeune, avec une côte de bœuf par exemple. Le chateau de France rouge est puissant, mais offre cependant une fraicheur et une acidité certaines.
Le chateau de France rouge étant plutôt très bien structuré, le Coquillas rouge est plutôt sur le fruit, plus léger et plus facile d’accès que son grand frère. Il peut être bu dès ses 2 ans et accompagne parfaitement une viande ou un poisson grillé. Le Coquillas rouge est très simple, peut s’accorder avec beaucoup de mets et plait donc à tout le monde. Plus souple et plus fruité, le Bec en Sabot peut se boire frais l’été, à l’occasion d’un barbecue exemple. A la différence de ses aînés, le Bec en Sabot rouge comporte une petite garde.
Deux vins blancs qui complètent parfaitement la gamme du domaine
Le chateau de France blanc est fin, élégant et frais. Il peut se garder assez longtemps à l’instar du rouge. Le Coquillas blanc est un peu moins frais, mais est plus facile d’accès et plus rapidement. A l’instar du Coquillas rouge, le Coquillas blanc détient une garde moyenne.
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